Aujourd’hui après un tour du marché nous achetons le « pass liberté » à l’office du tourisme. Pour 15 euros par personne il donne droit à la visite de 4 monuments et 2 musées.
Nous commençons par le cloître de la cathédrale Saint Trophime qui était fermé hier. Il date du début du XIIème siècle pour les parties les plus anciennes. C’est un bel endroit paisible, adossé à la cathédrale et dont on peut visiter les étages, ce qui est plutôt rare.
Les statues adossées aux colonnes sont assez endommagées. Leurs visages semblent avoir fondu sous l’effet de la pluie. Mais de nombreux chapiteaux sont bien conservés. On peut y lire des épisodes de la bible. C’est un genre de bande dessinée de pierre sans phylactères. Comme on connait un peu l’histoire on arrive plus ou moins à suivre.
Le deuxième monument que nous choisissons de visiter est juste à côté. L’entrée se trouve dans l’hôtel de ville. C’est un escalier qui s’enfonce d’environ 6 mètres sous la terre.
Lors de la fondation d’Arles par les romains le plan choisi suivait la très classique organisation avec deux grandes rues perpendiculaires et le forum à l’intersection. Le forum a été bâti sous Auguste, entre 25 et 10 avant Jésus Christ. C’était une grande place rectangulaire de près de 3500 mètres carrés bordées de portiques de pierre.
Comme le terrain était en pente et que l’idée d’un forum en pente ne leur est pas venue, les bâtisseurs ont construit un genre de sous-sol sous une partie du forum. Il est constitué de trois galeries doubles formant un U, dont les piliers et les arches (les portiques cachés ou « cryptoportiques ») servaient de support aux portiques de surface. Des sortes de fondations.
Les deux branches les plus longues du U mesurent 90 mètres, la plus courte mesure 60 mètres et les 3 sont larges de 8,50 mètres. L’ensemble est dans un état de conservation remarquable. Le temps a si peu entamé le capital rocheux qu’on parierait que cette gigantesque cave sera encore là dans dix mille ans.
En sortant de sous la terre nous déjeunons dans un hôtel restaurant tout proche de l’amphithéâtre et du théâtre antique. Pendant le repas un vol de cigognes passe au-dessus de nous. Nous n’en avions jamais vu autant à la fois.
L’amphithéâtre date du premier siècle après Jésus Christ. Comme le Colisée à Rome ou l’amphithéâtre de Nîmes il a une forme d’ellipse. Le grand axe mesure 136 mètres et la capacité était de 25000 spectateurs. L’histoire de ce monument est complexe. Après la chute de l’empire romain, au moyen âge, une petite ville s’est petit à petit installée à l’intérieur. Les murs extérieurs faisaient office de remparts contre les ennemis. Quatre tours qu’on voit encore aujourd’hui ont d’ailleurs été ajoutées à ce système défensif. Plus de 200 habitations et 2 chapelles occupaient l’espace jadis consacré aux jeux.
Au XIXème siècle on a progressivement démoli ces habitations, ainsi que les maisons extérieures adossées à l’édifice, et on a commencé les travaux de restauration. La vocation a changé et ce sont les taureaux qui ont pris la place des gladiateurs et des chrétiens dévorés par les fauves. L’amphithéâtre est devenu « les arènes ». Lorsque nous le visitons, cependant, un spectacle de gladiateurs est en préparation pour amuser les touristes. Des gars au format de rugbymen courent en tous sens en agitant des armes et en poussant des cris. Pourvu que personne ne se fasse mal.
Les galeries qui courent dans l’épaisse muraille sont bien restaurées. Certaines parties semblent dater d’hier. La pierre y est lisse. D’autres parties ne nécessitaient pas d’être remplacées ou rénovées et elles portent encore les traces des utilisations multiples du lieu. Des trous rectangulaires ont été creusés ici et là, sans doute pour accueillir des pièces de bois et constituer des armatures de constructions.
Depuis la seule tour accessible on voit par dessus le mur d’enceinte. Au loin la tour du parc des ateliers brille au soleil. Ce contraste entre antiquité et modernité rappelle le « shard », gratte-ciel futuriste, vu depuis la tour de Londres.
Notre quatrième monument est à deux pas de l’amphithéâtre. Le théâtre antique est plus ancien puisqu’il date du premier siècle avant Jésus Christ. Il est moins bien conservé que son grand voisin et il faut un peu d’imagination pour ressusciter les 100 colonnes sur deux étages du mur de scène (il n’en reste que 2) ou les gradins supérieurs aujourd’hui disparus.
Pour changer un peu nous visitons le musée Réattu, consacré au peintre arlésien Jacques Réattu (1760-1833). C’est de la peinture historico-allégorico-mythologique. On sent bien qu’il y a là pas mal de technique mais nettement moins de génie. C’est tout de même un peu ennuyeux. Dans un coin, pourtant, le portrait sans titre d’un homme barbu grisonnant, aux gros yeux tournés vers le regardeur, a des accents de modernité qui réveillent.
Le musée expose aussi quelques dessins de Picasso. Le fond est bien plus copieux que ce que nous voyons mais une partie du musée est en travaux et nous n’avons donc droit qu’à un petit échantillon. Des photographies de Lucien Clergue sont également présentées ainsi que quelques sculptures, dont cet étonnant « Griffu » de Germaine Richier ou une « Odalisque » massive en bois d’Ossip Zadkine.
Nous finissons cette journée bien remplie par la visite des thermes de Constantin. Ils datent du IVème siècle de notre ère. Malgré les dégâts infligés par le temps on comprend à peu près comment fonctionnait cette immense salle de bain commune, comment on chauffait l’eau, ainsi que l’agencement des différentes sections, chaudes, tièdes ou froides.