Catane (Catania) est la deuxième ville de Sicile. Elle est située sur la côte est, à 50 kilomètres et un peu plus d’une heure de train au nord de Syracuse.
La première moitié du voyage depuis Syracuse est un peu déprimante car la côte a été totalement saccagée par les industries pétro-chimiques. Le paysage est une succession ininterrompue de sites industriels horribles et nauséabonds dont, plus déprimant encore, la plupart sont à l’abandon mais n’ont pas du tout été démantelés. Ils pourrissent là et si rien n’est fait cette côte qui pourrait être magnifique restera un endroit affreux et pollué pendant des décennies.
Heureusement, à mi-parcours environ, les choses s’arrangent et la côte redevient à peu près normale. La gare de Catane est au bord de la mer et il faut donc une vingtaine de minutes de marche pour atteindre le centre, c’est à dire la place Duomo (comme à Syracuse) sur laquelle se trouvent (comme à Syracuse et à Noto) la cathédrale et le palais abritant l’hôtel de ville.
Au centre de la place un étrange monument figure une sculpture d’éléphant un peu ratée en lave noire et qui porte sur son dos un obélisque surmonté d’une croix. L’ensemble est une fontaine. L’éléphant date de la période romaine, le reste date du 18ème siècle. L’éléphant est le symbole de la ville depuis l’antiquité et on l’appelle ici u Liotru. Le bâtiment devant lequel se trouve la fontaine est le palais des éléphants (Palazzo degli Elefanti), l’hôtel de ville.
La cathédrale Sant’Agata est immense bien qu’il soit difficile d’évaluer ses dimensions de l’extérieur car elle est cernée d’autres bâtiments et on ne peut véritablement prendre de recul que devant sa façade qui donne sur la place. Elle a été édifiée il y a bientôt mille ans mais elle a été maintes fois endommagée ou carrément détruite par les tremblements de terre ou les conflits des hommes. C’est pourquoi sa façade actuelle est de style baroque : elle date « seulement » de la première moitié du 18ème siècle.
L’intérieur est bien plus sobre et clair que la façade aurait pu le laisser imaginer. Parmi les éléments remarquables figurent l’autel, une chaire et un lutrin en bois sculpté qu’on dirait sortis d’un film d’heroic fantasy.
Tout à côté de la place, légèrement en contrebas, le marché au poisson bat son plein. Les fruits de mer gigotent encore dans les bacs, on patauge dans le jus de poisson, les vendeurs crient, ce n’est pas un truc juste pour les touristes.
Catane a adopté l’idée des parapluies suspendus au-dessus des rues ce qui, compte tenu de l’ardeur du soleil, est une excellente idée, mais ici aucune couleur n’a été privilégiée. Les parapluies sont de toutes les couleurs. C’est joli et malin : si un fournisseur fait défaut il suffit d’en prendre un autre, peu importent les teintes. Alors qu’à Grasse si le rose vient à manquer il faudra tout changer ou supporter des écarts de couleur.
Cette sympathique fantaisie ne compense malheureusement pas l’état des rues plutôt sales, et des façades souvent noirâtres de suie, même sur des palais remarquables. Le nettoyeur haute pression n’est pas passé souvent par là. C’est un peu dommage, le centre-ville serait splendide avec un peu moins de saleté dans les rues et des façades un peu plus pimpantes. Mais en bons grassois nous avons l’habitude…
Parmi les monuments remarquables se trouve la château d’Ursino, construit au 13ème siècle et qui fait parti des rares édifices ayant résisté au terrible tremblement de terre de 1693 (qui a rasé la ville et tué les deux tiers de ses habitants). Il faut dire qu’il est particulièrement robuste, avec son plan carré et ses 8 tours rondes (une à chaque angle et une au milieu de chaque côté). A l’époque de sa construction il était, paraît-il, sur une falaise au bord de la mer. Quelques éruptions de l’Etna plus tard il a vu ses douves partiellement comblées par la lave et il se trouve aujourd’hui à un kilomètre de la mer. On a peine à y croire mais l’Etna n’est pas une plaisanterie…
Devant l’université, autre palais splendide (et propre), une statue moderne d’éléphant polychrome rappelle le symbole de la cité. Sa forme est bien plus réaliste que celle de l’éléphant de la place Duomo et ses couleurs semblent assorties avec celles des parapluies d’ombrage.
La via Etna est une artère piétonne importante orientée nord-sud et dont l’extrémité nord montre une partie de l’Etna situé à une trentaine de kilomètres. Elle est représentative de la nouvelle stratégie d’urbanisation appliquée après le tremblement de terre de 1693 : plus de petites ruelles étroites et d’entassement anarchique de maisons qui s’effondrent sur les habitants pris au piège, mais un plan orthogonal avec des rues larges et droites, pratiques pour évacuer, de grandes places où se réfugier en cas de séisme et des immeubles peu élevés à deux ou trois étages seulement.
Autre monument remarquable, l’église Saint-Nicolas l’Arène, située au sein du gigantesque monastère du même nom. L’extérieur est improbable avec ses énormes colonnes en façade surmontées par… du vide et son étrange sommet noir discordant. On dirait qu’un petit château fort de lave noire, carré et à quatre tours rondes, a été ajouté sur le toit. Ou qu’un farceur a décidé qu’un chapeau constituerait un joli complément.
L’intérieur est moins monstrueux que l’extérieur mais le plan est tout de même étrange, comme si plusieurs églises de tailles différentes avaient été agglutinées pour n’en former qu’une seule.
D’ailleurs, les églises ne manquent pas, à Catane comme dans le reste de l’Italie. Dans la via dei Crociferi on en trouve plusieurs de très grande taille, comme l’église Saint-Benoît par exemple. Certaines se touchent presque et d’autres ne sont séparées que de quelques mètres. Cette frénésie des bâtisseurs à construire des églises partout, y compris en paquets serrés, est toujours un étonnement pour les rationalistes qui s’inquiètent du bon emploi des ressources disponibles.
L’antique théâtre gréco-romain, du 5ème siècle avant notre ère, est tellement intégré dans la ville que les immeubles qui le bordent donnent directement sur la scène. Si le théâtre sert encore, ce que les sur-gradins en bois semblent indiquer, les habitants du quartier n’ont qu’à ouvrir la fenêtre pour profiter des spectacles.
Dans le train du retour, à plusieurs kilomètres de Catane, nous pouvons enfin voir l’Etna en entier, bien que voilé par la brume. Il est vraiment énorme ; Stromboli, à côté, fait figure de miniature (mais cette illusion est trompeuse, de Stromboli on ne voit que la partie émergée, si on vidait la mer il serait sans doute tout aussi impressionnant). On comprend comment malgré la distance les colères de l’Etna ont façonné l’histoire et la forme de Catane. C’est un voisin lointain mais avec lequel il faut compter.